L’espoir réside dans l’avenir, non dans le passé

平成26年3月7日

Mitsuo Sakaba
Ambassadeur du Japon en Belgique


C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai lu l’article de Monsieur Liqiang Liao, Ambassadeur de Chine en Belgique, paru dans la Libre Belgique du 25 février 2014. Je suis entièrement d’accord avec lui lorsqu’il conclut en disant : « Le seul objectif de ces commémorations (de la Première et de la Seconde Guerre Mondiale) sera de dire « non » à la guerre, « oui » à la paix ». J’ai également beaucoup apprécié son affirmation dans l’avant-dernier paragraphe: « Le peuple chinois aspire à vivre en paix et à avoir des relations amicales avec les autres pays de la planète, à entretenir un bon voisinage, un fructueux partenariat avec les pays proches dans le seul but de réaliser une paix durable et un développement commun en Asie ». Je souhaite très sincèrement que cela reflète réellement la politique du Gouvernement chinois mais il apparaît malheureusement que les actions sur le terrain diffèrent de ces propos.


A vrai dire, l’énorme et constant accroissement du budget militaire chinois au cours de ces deux dernières décennies (il a plus que sextuplé !), ainsi que les actions expansionnistes dans les deux Mers de Chine sont de nature à engendrer l’appréhension de ses pays voisins. Prenons le cas des îles Senkaku. Elles appartiennent sans équivoque au Japon, tant sur le plan historique que sur le plan du droit international. Ces derniers temps, la Chine intensifie cependant son intrusion dans les eaux territoriales de ces îles. De surcroît, la récente mise en place d’une zone de reconnaissance aérienne au-dessus de la Mer de Chine orientale doit être considérée comme constituant un challenge contre l’ordre établi en Asie de l’Est. Ce qui suscite la vraie crainte en Asie, ce n’est pas la fantaisie d’une soi-disant « résurrection du militarisme japonais », mais plutôt le fait que la politique agressive de la Chine s’appuyant sur une puissance militaire et économique ascendantes constitue l’un des éléments majeurs de l’instabilité pour la sécurité de la communauté internationale.


L’Ambassadeur de Chine a fait référence aux « propos » du Premier Ministre Abe sur le passé ainsi qu’à sa visite au sanctuaire Yasukuni, mais il est regrettable qu’il les ait déformés et exagérés injustement. Lors de la Conférence de Paix à San Francisco, le Gouvernement du Japon a officiellement accepté le jugement du Tribunal Militaire de Tokyo qui a condamné les 14 criminels de classe A. Le Premier Ministre Abe a clairement confirmé cette position et le Gouvernement du Japon n’a jamais tenté de justifier les crimes commis. Il n’y a aucune ambiguïté à cet égard. De plus, l’Ambassadeur de Chine a délibérément détourné la vraie raison de la visite du Premier Ministre Abe audit sanctuaire. En effet, faut-il rappeler que le sanctuaire Yasukuni est un établissement destiné à consoler l’âme de près de 2 millions et demi de soldats japonais, hommes et femmes toutes conditions sociales confondues. Tous ont sacrifié leur vie pour leur pays et ce depuis 1853 jusqu’en 1945, en ce compris les guerres civiles au Japon. Ce sanctuaire est donc loin d’être « le symbole des agressions japonaises à l’étranger » comme affirmé dans cet article. On compte d’ailleurs parmi ces disparus de nombreux soldats japonais qui ont combattus aux côtés des alliés pendant la Première Guerre Mondiale. Leurs âmes sont également consolées dans ce sanctuaire, ce qui prouve son caractère général. Ce sanctuaire n’est ni un cimetière, ni un établissement public. Ce n’est donc pas acte singulier si le Premier Ministre visite cet établissement symbolique afin de consoler l’âme de ses compatriotes qui ont sacrifié leur vie. Les leaders politiques d’autres pays honorent également leurs compatriotes disparus en temps de guerre. L’Ambassadeur de Chine écrit également que « le Premier Ministre Abe a effectué un pèlerinage au Temple Yasukuni où est honoré la mémoire de 14 criminels de guerre de classe A ». C’est exactement ce que M. Abe dément explicitement comme étant l’objectif de sa visite. Dans sa déclaration « Le Serment de la paix durable » publiée après sa visite, il a dit avoir présenté ses condoléances devant près de 2 millions et demi d’âmes et prôné la renonciation définitive à la guerre. Je crois qu’il est injuste d’altérer, avec une certaine arrière-pensée, la bonne intention d’un leader politique.


Il est évident que, depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le Japon n’a cessé de poursuivre sa marche vers la paix. Depuis lors, aucune balle n’a été tirée par les Forces d’Autodéfense du Japon sur un champ de bataille. Le Japon a contribué pendant presque 70 ans à la reconstruction et au développement économique de la Chine, de la Corée, des pays de l’Asie du Sud-Est et du Sud, ainsi qu’au maintien de la paix dans le monde en collaboration avec l’Organisation des Nations Unies. Le montant total de l’aide au développement apporté par le Japon à la Chine pendant ces quarante dernières années dépasse le seuil des 35 milliards de dollars et continue encore avec l’assistance technique par la JICA. Il est bien entendu que l’aide au développement octroyée par le Japon ne se limite pas aux pays de l’Asie. Dans le contexte du PKO-ONU, 300 militaires japonais sont en poste au Soudan du Sud pour y contribuer au maintien de la paix. Ceci s’ajoute à l’aide au développement que le Japon apporte au continent africain, aide qui ne cesse de croître. Le peuple japonais en est fier et est déterminé à continuer à œuvrer au maximum en ce sens. D’après l’Ambassadeur de Chine, le Japon ne regarde pas l’histoire en face. Cette affirmation est contredite par la volonté constante du Japon de contribuer à la paix et au développement dans le monde en se basant sur le principe de « la nation pacifiste ». Ceci prouve que le Japon a fait face à l’histoire et regrette sincèrement les actions d’avant et pendant la Guerre. Ce qui est important ici n’est pas de jouer sur les mots mais de montrer des actes concrets. Aussi faudrait-il ajouter qu’après la Guerre, le Japon a constamment évolué en tant que pays démocratique, respectueux de toutes les valeurs qui s’y rattachent comme les droits de l’homme, la liberté et l’égalité. Le Japon d’aujourd’hui est doté d’une structure solidement établie à l’égard de la liberté des medias et de l’expression sous le pluripartisme politique, ce qui rend impossible la résurgence d’un militarisme de quelque nature que ce soit.


Il va sans dire que les relations avec la Chine sont parmi les plus importantes pour le Japon. Nous souhaitons donc un développement pacifique de nos relations bilatérales. De nos jours, les relations économiques sino-japonaises sont étroitement liées tant sur le plan commercial que dans le domaine de l’investissement. Les échanges commerciaux entre les deux nations s’élèvent à près de 312 milliards de dollars en 2013 et le nombre de sociétés japonaises qui opèrent en Chine dépasse les 23.000. Ces chiffres indiquent clairement combien nos liens sont étroits et mutuellement bénéfiques, contribuant ainsi ensemble au développement de l’économie mondiale. Ceci étant dit, la propagande antijaponaise menée dernièrement par l’Etat chinois à l’échelle mondiale a des effets néfastes aux intérêts de tous.


L’article paru dans la Libre Belgique fait partie de cette propagande. Il n’est pas de nature à contribuer à l’amélioration des rapports entre nos deux pays mais risque de nuire au prestige de la Chine en tant que grande puissance. Tout comme l’Ambassadeur de Chine nous souhaitons que son pays entretienne des relations amicales avec les autres nations ainsi qu’un fructueux partenariat avec les pays proches et ce dans le seul but de prôner une paix durable et un développement commun en Asie. C’est ce que les pays asiatiques, voire le monde entier, attendent de la Chine. L’espoir réside dans l’avenir, non dans le passé.