Japan and Me

2013/5/5

Japon

Colette Braeckman

Lorsque, voici trois ans, j’ai eu l’occasion de découvrir le Japon, ce fut sous un angle inhabituel : un intérêt pour l’Afrique, partagé avec de nombreux interlocuteurs. Au-delà d’un calendrier serré, jalonné de discussions et d’interviews, j’ai eu l’occasion de découvrir des attachements sincères pour ce continent que l’on eut pu croire ignoré sous ces latitudes. Et surtout, j’ai été impressionnée par le volontarisme, par l’optimisme intrinsèque de tous ceux qui revenaient d’Afrique ou se préparaient à de futures missions : à l’inverse de l’Europe, où l’ « afro pessimisme » tient souvent lieu de bon sens, mes amis japonais, se fondant sur leur propre expérience, croient dans les capacités africaines de résilience et surtout de progrès. Pour étayer ce volontarisme, ils citent leur propre progression, au départ d’un pays privé de ressources naturelles mais fort de son histoire et de sa culture ; ils évoquent la manière dont le Japon, au cours des dernières décennies, a aidé ses voisins asiatiques à se relever après les guerres, et ils sont certains que l’Afrique elle-même, un demi siècle après la parenthèse coloniale, empruntera le même chemin, soutenue par quelques pays amis…

Ces nombreux entretiens m’ont permis d’apprécier le regard que le Japon porte sur le monde, il peut paraître distant, mais il n’est ni hautain ni indifférent et me paraît axé sur les valeurs plutôt que sur les appétits purement mercantiles.

Mais mon séjour au Japon ne s’est pas résumé aux entretiens dans des bureaux climatisés ! Dans les métros, les trains, les ascenseurs, les appartements particuliers, dans une grande ville comme Tokyo ou un lieu historique comme Kyoto, j’ai eu l’occasion d’observer la légendaire politesse japonaise. J’ai compris combien, dans ce pays très densément peuplé, elle était synonyme d’ « urbanité », de « civilité ». Il y a les codes certes, qui frappent souvent les étrangers de passage, mais tous ont un sens : ne pas peser sur autrui, ne pas gêner ou nuire, partager avec l’autre, connu ou inconnu, l’espace et le temps, avec discrétion et courtoisie. Ce respect, qui se traduit dans les petits détails du quotidien, est un aspect essentiel du vivre ensemble. Au Japon, on peut être nombreux, voire à l’étroit, mais chacun s’efforce de ne pas confisquer voire « pomper » l’air de l’autre. Bien souvent j’ai pensé qu’en Europe, en Amérique du Nord, nous devrions rechercher au Japon des leçons de courtoisie, nous rappeler du fait que la gentillesse, loin d’être un art mineur, est la première des portes qui ouvrent sur la connaissance de l’autre.

Du reste, un an après mon séjour, lors de la catastrophe de Fukushima, j’ai pu constater, avec émotion et empathie, combien ce « vivre ensemble » s’enracinait dans le respect et la solidarité. Combien, face à la tragédie, les Japonais, arc boutés sur leurs valeurs morales et leur foi dans l’avenir, étaient capables de résister et de compter d’abord sur leurs propres forces. J’ai trouvé dans ce courage, cette résilience, des gages d’espoir : pour le Japon bien sûr, mais aussi pour ces pays d’Afrique auxquels sa coopération montre la voie. L’histoire, la géographie du Japon sont la démonstration même du fait que le pire n’est jamais définitif, que l’adversité peut être vaincue, et que c’est en leurs racines profondes que les peuples doivent chercher leur force…